La communauté rurale de Malicounda est située dans le département de Mbour. Composée de 23 villages et peuplée de 45.000 habitants au dernier recensement, la collectivité demeure la plus riche du pays après celle de Touba. Du fait de sa position côtière, d’importantes ressources financières proviennent de ses différentes stations balnéaires qui la ceinturent. Son budget estimé à un milliard concurrence celui de la commune de Mbour qui n’excède pas un milliard sept cents millions. Ce qui fait qu’elle est fort convoitée par les forces politiques notamment, celles au pouvoir. A vrai dire, la collectivité constitue une grosse vache laitière pour le parti qui occupe le fauteuil du conseil rural.
L’essentiel de ses terres sont situées le long de la petite côte et le long de la route nationale. Sa position géographique, qui prend Mbour en tenailles, fait que cette dernière ne peut plus étendre ses tentacules sans tendre la main à Malicounda. Un phénomène qu’aggrave l’explosion démographique galopante de Mbour, qui menace le territoire de cette communauté rurale qui s’ouvre sur toutes les destinations touristiques du pays notamment les îles du Saloum.GRIEFS CONTRE L’ANCIENNE EQUIPE
Le conseil rural de Malicounda a été dissout, mettant un terme au règne à moitié séculaire des socialistes. Une dissolution sans objet pour certains, comme Seyni Bassène, membre de l’Afp, selon qui, aucune entrave à son fonctionnement n’était notée et en matière de réalisations, le conseil était sans reproche. D’autres la trouvent salutaire estimant même qu’elle est tardive. Pour Sadio Traoré un des notables du village, le premier handicap de cette équipe est que le président ne savait ni lire ni écrire. Aussi dénonce Leyti Traoré, président de l’Association des jeunes de Malicounda Bambara, le dernier conseil rural comme ceux qui l’ont précédé, ne faisaient que satisfaire une clientèle politique, et non l’intérêt des populations. «Pour trouver un prétexte de lotissement, l’ancien président en l’occurrence Ousmane Guèye avait demandé aux jeunes de son quartier de formuler des demandes de parcelles à usage d’habitation. Ce que nous avons fait tout en étant ridicule aux yeux de certains qui savaient parfaitement, que nous n’allions jamais avoir satisfaction. Ils eurent raison sur nous car M. Guèye trouva ainsi une belle occasion de lotir les terres de nos pères sans nous doter de la moindre parcelle.» Des parcelles qui ont été plutôt attribuées, selon M. Traoré, aux proches collaborateurs, amis et militants du président du Conseil rural. «Vous savez la gestion des terres ici à Malicounda, c’est pour satisfaire la clientèle politique», peste-t-il.
Autres griefs contre le conseil rural, la marginalisation des jeunes dans le recrutement du personnel des différentes stations balnéaires sises dans le territoire de la communauté rurale. Les autorités du conseil n’en ont pas fait une exigence déplore M. Traoré. En outre, d’autres administrés, trouvés devant les portes des bureaux de la délégation spéciale, se plaignent d’un manque d’écoute et sollicitent la régularisation de leurs dossiers en souffrance dans les casiers depuis des années. Cest le cas de Cheikhna Diallo qui a acheté depuis 2006, un terrain pour une de ses cousines demeurant en France mais jusque-là, la parcelle n’est pas encore en son nom.
S’y ajoute, regrette Meissa Faye animateur à la maison familiale de Malicounda Wolof, le manque de maîtrise des textes de la décentralisation par les conseils ruraux, des délibérations jamais affichées conformément à la Loi, des marchés attribués sans appel d’offre, et les désaffectations de 1999 faites sans notifications aux anciens attributaires, de sorte qu’il y eut plusieurs actes pour chaque parcelle de terre. Ce qui a été source de déchirements sociaux. Demba Faye, de la commission de distribution des parcelles impute la responsabilité au sous préfet de l’époque de l’arrondissement de Nguékokh qui n’enregistrait pas les adresses des attributaires sur son registre.
Quant au premier vice-président de l’ancien conseil rural, il reconnaît les manquements par rapport aux marchés de gré à gré, la non notification des mises en demeure et le refus du président d’afficher les délibérations. Toutefois, il rejette en bloc l’accusation selon laquelle les lotissements étaient faits sans tenir en compte de l’intérêt des propriétaires des champs.
Par ailleurs, ceux-ci regrettent la dissolution du conseil rural. Il considèrent que Malicounda demeure l’une des rares collectivités rurales du pays à disposer d’une route bitumée qui traverse le village et le relie à la route nationale : un tronçon de 4 kilomètres pour un coût d’investissement de 300 millions. Ils citent aussi un marché flambant neuf, d’une valeur de 250 millions, construit pour créer des ressources additionnelles dans le village de Saly Portudal, la construction de 52 salles de classes dans l’élémentaire, 4 Collèges d’enseignement moyen, 10 logements de directeurs pour contraindre ces derniers à habiter l’école pour une gestion de proximité, 8 écoles maternelles, 3 cases de santé, en plus du poste de santé. Sans compter, précisent-ils, que l’équipe de Ousmane Guèye s’investissait beaucoup dans le social.MENACE DE DISPARITION
La communauté rurale de Malicounda est fort affectée par le dernier redécoupage du territoire national. D’abord l’une de ses branches nourricières à savoir le village de Saly Portudal a été érigé en commune. Ainsi la collectivité locale perd une bonne partie de sa côte et toute la station balnéaire de Saly et le grand marché qu’il y avait construit pour générer des ressources additionnelles. Ensuite, le village de Nianing situé sur la route de Joal demande à être érigé en commune. Suffisant pour que Malicounda lance un cri de cœur : «Nous serons bientôt plus pauvre que Fissel Mbadane.»
Cependant, les trois membres de la délégation spéciale se démènent tous les jours pour satisfaire leurs administrés, avec comme credo : «Gérer autrement.» «C’est vrai que nous avons été mis en place par un régime politique mais notre action est administrative et non politique», soulignent-ils. Mme Amie Diakhaté, adjointe du président, absent à notre passage, reconnaît que la tâche est difficile parce qu’essentiellement lié au foncier. Elle avoue que presque tous les dossiers qu’ils ont hérités relèvent de la régularisation ou de la mutation. Déjà depuis leur installation le17 mai dernier, ils ont eu à traiter plus de 500 cas allant des actes perdus aux actes non enregistrés.
Cette gestion non politique fait aujourd’hui qu’ils sont assaillis chaque jour pour des dossiers déposés depuis belles lurettes. Pour pallier les erreurs du passé, Mme Diakhaté mise sur la transparence, la disponibilité, l’engagement au travail et surtout l’écoute et la prise en compte de l’avis de tous. Une ouverture d’esprit qui fait que les populations, y compris ceux qui fustigeaient la dissolution du conseil, jugent satisfaisante le premier trimestre de la délégation spéciale.
Par Paul Diène FAYE