Il est le directeur régional de Nestlé pour la région Afrique de l’Ouest et du Centre pour les Affaires Réglementaires et Scientifiques. Il est né et a grandi à Sandiara où il a fait une partie de ses études avant d’aller d’abord à Mbour et Kaolack pour ses études secondaires, puis pour ses 10 ans d’études universitaires à Bambey, (ENCR), Thiès (ENSA) et enfin en France (SIARC Montpellier, ESAT, ENSIA Paris,). Serigne Gueye Diop, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est docteur-ingénieur agro alimentaire, ingénieur Agronome, MBA, chercheur et expert en Technologie des céréales chez Nestle en Suisse. Il a développé plusieurs brevets d’invention dans le domaine des procédés de transformation des Céréales et des légumineuses tropicales. C’est aussi un homme de réseaux qui a fait sienne l’idée de John Fitzgerald Kennedy qui consiste à se demander ce qu’il peut faire pour son pays et non ce que le pays peut faire pour lui. Par son entregent, Sandiara a un collège ultra moderne qui a enregistré au mois d’octobre dernier des classes de seconde du nouveau lycée. Il mise sur l’éducation parce que pour lui, c’est la principale porte du bonheur.
LES ECHOS : En cinq ans Sandiara a un collège ultra moderne qui vient d’enregistrer des classes de seconde du nouveau lycée. Pouvez-vous nous faire l’économie de ce projet ?
SERIGNE GUEYE DIOP : Depuis cinq ans, nous avons essayé de monter ce projet de collège d’enseignement à Sandiara pour résoudre le problème de la déperdition scolaire en ville. Vous connaissez les problèmes auxquels sont confrontés les jeunes, après avoir quittés Sandiara, Ndiaganiao (…), en allant à Mbour, Kaolack ou Thiès. Le premier but était de faire un collège de proximité de la sixième à la troisième. Nous avons fait ce collège. Aujourd’hui, nous avons dix-sept salles de classe, une salle informatique avec soixante ordinateurs. Nous avons fait venir le réseau électrique que nous avons financé nous-même, avec nos amis suisses évidemment, nous avons de l’eau pour l’école, bref un laboratoire. Mais toujours est-il que le problème du second cycle reste entier. Avec les excellents résultats de cette année – nous avons 94 admis parmi les meilleurs résultats de la région de Thiès – les élèves étaient toujours confrontés au devoir d’aller à Mbour, à Kaolack (…) pour faire la seconde, la première et la terminale. Aujourd’hui, nous avons inauguré les premières classes de secondes de ce qui va désormais être le lycée de Sandiara avec comme objectif de faire en sorte que les enfants nées dans les 27 villages qui constituent la communauté rurale vont pouvoir maintenant faire tout leur cycle ici à Sandiara pour éviter le problème de tutorat. Ça leur permettra, une fois le Bac en poche, d’être beaucoup plus mûrs. Ils vont savoir ce qu’ils veulent et ils peuvent avoir une bourse à l’université, ils peuvent bénéficier d’une bourse à l’étranger, être reçus dans les grandes écoles, au Sénégal ou à l’étranger. Et là, commence une vie beaucoup plus prometteuse, un avenir beaucoup plus radieux qui va permettre une réussite dans des conditions idoines. Voila un peu l’objectif attendu pour l’inauguration d’aujourd’hui.
Le Ministre Moustapha Sourang s’est déplacé pour prendre part à cette cérémonie. Peut-on savoir le degré d’appréciation du gouvernement de ce que vous faites ?
Le Ministre professeur Sourang est un partenaire. Ça fait deux ans qu’il vient à Sandiara et à chaque fois que je suis au Sénégal, il m’invite aux CRD, et la Première dame du Sénégal ont tout de suite compris que nous travaillons dans le même sens que le gouvernement sénégalais, que nous avons un certain savoir faire et nous avons établi un partenariat. Madame la Première Dame et le Professeur Sourang sont des hommes de terrain, des hommes qui ont le sens du devoir et des hommes de décision. Aujourd’hui, ils ont promis de nous appuyer en ce qui concerne les infrastructures dont nous avons vraiment besoin, c’est-à-dire les prochaines classes de première et de terminale. Avec comme objectif de faire de Sandiara officiellement un lycée. Un arrêté a été pris et nous avons bon espoir que ça se fera. Madame la Première Dame et le Professeur Sourang sont allés même plus loin. Ils ont promis qu’une fois que ces classes construites, de construire sur le site de 10 hectares contigu au collège un lycée qui va être indépendant de ce collège. C’est un coup de pouce décisif dans notre objectif qui est de faire en sorte que cette région puisse disposer d’infrastructures idoines qui vont permettre aux jeunes de Sandiara d’être, à l’instar des jeunes de Dakar, de Thiès et des grandes villes, dans de meilleures conditions parce que nous sommes beaucoup plus ambitieux que ça.
La première dame est aussi venue à Sandiara …
La proposition de la Première dame est différente parce qu’elle porte beaucoup plus sur des questions qualitatifs : « Que fait-on des enfants qui ne réussissent pas au Bac ? ». Est-ce qu’on peut imaginer entre l’Ong de Madame Wade et mon Ong qui s’appelle « Passeport pour l’avenir » une structure qui permettrait de former des jeunes aux métiers du Tourisme, aux métiers de la restauration, de la cuisine, de l’hôtellerie, aux métiers de l’électronique, de l’électricité… Ça permettra de régler ce problème. Nous avons pensé aux formations agricoles et horticoles. Nous avons décidé d’approfondir la réflexion avec la Première Dame. Cela nous permettra à la fois d’offrir aux élèves un parcours menant aux études universitaires et a la formation professionnelle. Et je pense que c’est de çà que nous avons besoin pour réduire aussi la déperdition scolaire.
Dans le drame de Yoff qui a coûté la vie une dizaine de femmes de la communauté rurale de Ndiaganiao, il y avait des élèves qui étaient parties en vue de préparer l’année scolaire. Est-ce que dans le cadre de votre politique, vous avez prévu de soutenir les élèves dans ce sens pour leur éviter ces genres de catastrophes ?
C’est très regrettable ce qui s’est passé à Yoff. Je transmets mes condoléances aux familles éprouvées de nos frères de Ndiaganiao. Nous voulons en faite créer des structures au niveau de l’école qui permettent de générer un revenu pour la cantine. Nous avons des céréales, nous avons du maraîchage, on va créer prochainement un élevage d’ovins et faire aussi de l’aviculture. L’idée c’est que le problème de matériel et de moyens financiers ne puisse plus se poser. Mais vous savez nous offrons énormément de choses. Nous offrons un budget d’entretien et de maintenance. Nous offrons également, pour les professeurs, une formation continue par les meilleurs pédagogues du pays et en TIC. En revanche, nous encourageons les parents à prendre en charge leurs enfants le temps qu’il faudra. Plus tard, ces enfants vont pouvoir aider ces parents-là. Et nous n’avons pas au niveau du collège, en tout cas pas pour l’instant, des cas d’élèves qui vont dans les villes pour préparer l’année scolaire. Parce que justement c’est ce que nous voulons éviter. Aller en ville, c’est s’exposer aux dangers de la ville. Ça peut être des accidents regrettables comme vous le dites, ça peut aussi être d’autres types d’accidents. Cela dit, nous pensons que le meilleurs moyens d’aider les filles et les garçons, c’est leur offrir une formation de qualité et sensibiliser leurs parents à la nécessité de vendre certainement un mouton, une chèvre, quelques récoltes agricoles, une fois par année, des poulets pour juste subvenir aux besoins de l’enfant qui en ce moment-là n’aura plus besoin d’aller en ville mais doit rester en famille pour réussir à ses examens. Nous leur expliquons que c’est un investissement.
Et si nous reparlons un peu de ce projet qui fait la fierté de toute la population de la zone…
Ce projet est un projet que j’ai d’abord initié. J’ai moi-même financé les premières classes, avec l’aide des gens de la communauté rurale et de la population. La population avait adhéré tout de suite au projet. Donc le projet était au départ un projet sandiarois. J’en avais financé les plans (…) Aujourd’hui, l’établissement à 17 classes. Nos amis du Rotary Club, de Nestlé et de la Suisse nous ont aussi beaucoup aidé. Nous avons, à chaque année, trouvé de l’argent. Aujourd’hui le financement total depuis cinq ans maintenant tourne autour de 120 millions, avec une salle informatique de 60 ordinateurs, un terrain de basket, une cantine scolaire... Donc, c’est 120 millions auxquels viennent s’ajouter une soixantaine de millions de l’Etat. L’Etat a construit trois salles de classes et a offert des tables bancs cette année. On est vraiment dans une dynamique de coopération publique - privée, mais aussi des associations locales avec les parents d’élèves. Nous pensons que c’est comme çà qu’on peut vraiment s’attaquer au développement. Pour cette année nous avons construit deux salles de classes pour les secondes et un bureau pour les professeurs. Il y a également la décoration extérieure que vous avez pu voir, avec des dessins d’animaux du monde entier. Ceci permet de sensibiliser les élèves au respect et à l’amour de la nature, mais aussi de s’ouvrir au monde. Il y a aussi une salle pour le matériel de sport. Nous avons dépensé une somme de l’ordre de 16 millions de Francs Cfa, qui nous a permis – avec notre système de gestion qui est extrêmement rigoureux, les ouvriers ne venant que du village, la participation et la motivation des uns et des autres – de construire beaucoup avec des moyens relativement faibles. Vous savez, une salle de classe coûte en moyenne 15 à 16 millions de nos Francs dans le système communautaire ou administratif. Nous avons pu réaliser ces performances grâce aussi à la détermination du coordonnateur du projet, Doudou Faye, qui est mon promotionnaire à l’école mais qui est aussi un ami. C’est mon représentant sur place. J’en profite pour le remercier. C’est à lui qu’on envoie l’argent, c’est avec lui qu’on travaille sur le terrain. Je profite de mes vacances au Sénégal, au mois de Juillet, pour pouvoir les aider à organiser les activités, à donner la vision, les stratégies, partager mon expérience. J’ai été dans une cinquantaine de pays dans le monde ; en Asie, en Afrique et en Amérique où j’ai travaillé. Cela m’a permis de voir l’importance de l’école, tant au niveau des infrastructures qu’au niveau des enseignements. Voilà un peu ma façon de travailler, ma façon de penser.
Vous avez aussi récompenses les élèves méritants…
Nous pensons que si on ne récompense pas l’excellence et la performance, on encourage la médiocrité et la contre performance. C’est pourquoi nous avons mis l’homme (l’élève, le professeur et l’administratif) au cœur de ce projet. Nous avons décidé de récompenser les meilleurs élèves pour dire qu’il n’y a que le travail qui paie. Qu’en travaillant, on gagne toujours quelque chose. Cette cérémonie de récompense permet aux familles d’être très fières de leurs enfants. C’était très beau. Nous avons vu des mamans venir à côté de leurs enfants, rester et se faire photographier. Cette année, nous avons donné le dictionnaire Larousse 2009 qui n’est pas encore sorti en Suisse et des livres et des encyclopédies. Ils n’ont pas les moyens de les acquérir, nous arrivons à pouvoir les offrir ces ouvrages-là pour les rendre beaucoup plus performants. Nous avons aussi des prix de mathématiques de physique, et de chimie, et çà, c’est un sujet qui me tient beaucoup à cœur. Je suis ingénieur en agro-alimentaire, donc un scientifique, un chercheur dans le domaine de la science et de la technologie. Pour moi, c’est important de favoriser ces matières afin d’avoir des cadres de très haut niveau, des ingénieurs, des scientifiques, des pharmaciens, des médecins etc. Ça, c’est l’une des orientations que nous comptons donner à cette école.
Vous avez un parc informatique très important, quand est-il de la connexion Internet ?
Notre souhait, c’est d’ouvrir ce village sur le reste du monde. Et la meilleure façon de le faire, c’est d’avoir un système, un parc informatique que nous avons mis en réseau. Nous avons deux serveurs et toute l’école est interconnectée. Les bureaux des professeurs, la salle informatique… Je dois dire aussi que nous enseignons l’informatique de la sixième à la seconde maintenant. Nous enseignons tous les logiciels de traitements de texte, Word, Excel etc. Au niveau de la région, je crois que nous sommes la seule école à le faire. Maintenant, ce qui nous manquait, c’est l’Adsl et nous avons posé cette doléance à Madame la Présidente. Elle nous a promis de nous apporter l’Adsl, parce qu’elle est à Mbour l’Adsl. Il suffit d’un investissement de la Sonatel pour qu’on puisse l’avoir ici. Si nous l’avons, nous allons créer un site Internet qui nous permettra de pouvoir être interconnecté avec nos amis suisses, nos collègues de l’étranger, ainsi de suite. Ça nous permettra petit à petit de s’ouvrir au monde, d’avoir aussi d’autres partenariats, d’autres échanges entre écoles, de permettre aux élèves de se documenter puisque comme vous le savez, l’Internet aussi c’est une source de documentation.
Propos recueillis par Aly DIOUF